Rezyl Azzir : La chute triomphante

Légende 5 sur 9 de la série La corruption du héros Rezyl Azzir
 

La détente émit un déclic. Encore un chargeur vide qui chutait de son emplacement sur le sol en pierre noire. C’était le dernier.

Son fusil était vide.

Rezyl fit pivoter l’arme dans sa main pour la saisir par le canon, comme un gourdin. Une nouvelle vague de mort s’approchait en hurlant, à la fois fragile et agressive, écrasante de par sa taille et oppressante de par sa rage.

La crosse du fusil vint frapper de nombreux crânes. Fracassés, ils tombaient. Comme bien d’autres avant eux. Une pile de cauchemars anéantis, composée à moitié d’ossements et à moitié de poussière, s’amoncelait aux pieds de Rezyl.

Il semblait garder un certain calme. Une certaine aisance. Ce n’était pas le moment de paniquer, dans le chaos du combat. Ses coups étaient puissants, mais mesurés. Il ne fallait pas gaspiller ses forces.

Un démon vint s’agripper à son dos. Puis un autre. Ils étaient plus lourds que leur maigre squelette aurait pu le laisser croire.

Il s’agita tout en haussant les épaules, se retourna, puis martela lourdement la crosse dans la tempe d’une des créatures. Son crâne vola en éclat et la crosse vint se loger dans la masse humide et crayeuse qui se trouvait derrière. En un bref effort, il tenta de libérer le fusil, mais fut forcé de le laisser tomber alors que la vague de démons s’intensifiait.

D’un coup de pied, Rezyl fit tomber l’autre monstre, lui piétinant le cou tout en se retournant pour repousser, d’un revers de la main, une horde d’attaquants qui voulaient lui porter le coup de grâce.

Alors que l’Infernal, le fusil qui avait bien souffert, avait permis à Rezyl de dégraisser le troupeau et de s’offrir un peu de temps pour évaluer la situation, sa Rose devrait lui permettre d’en finir.

Comme toujours.

Le Titan, inondé dans les cendres et dépouilles de ses ennemis, sortit son revolver et en un mouvement fluide, effleura la détente à répétition pour éliminer les pauvres monstres qui se tenaient devant lui.

L’éclosion de chaque tir éclairait la grotte de flashs rouges, tel un jardin de roses colériques qui fleurissaient pour défier ce royaume détestable d’ombres infâmes.

À l’autre bout de cette déferlante de mâchoires grinçantes, l’ignoble femme dansait dans les airs. Elle regardait. Est-ce qu’elle l’attendait ?

Le revolver de Rezyl était chargé et prêt à tirer comme si ça n’avait été qu’une arrière-pensée. Il vida une nouvelle fois son barillet et six autres démons vinrent s’empiler, sans vie.

La sorcière poussa un hurlement agressif. Et aussi rapidement qu’elle avait commencé, l’offensive s’amoindrit.

Les hurlements n’étaient plus un rugissement assourdissant, mais un chœur étrange qui fredonnait juste au-delà du nuage noir qui délimitait la portée de sa vue.

Rezyl restait debout, étirant son dos courbé tout en respirant profondément. La tempête n’était pas encore terminée. Ses tripes ne lui mentaient pas.

Il restait là, non pas en paix, mais dans l’œil du cyclone, cette accalmie tourbillonnante et effrayante précédant le retour des déferlantes.

L’ignoble femme ria d’un grincement extrêmement puissant et pénible.

Puis, des bruits de pas. Lourds et puissants.

Bom.

Bom.

Bom.

Bom.

Tout en faisant à nouveau glisser du plomb dans le cylindre de son revolver, Rezyl plissait les yeux pour mieux discerner ce qui se cachait dans le noir.

Une silhouette sortie des ténèbres prenait forme. Une créature dont le poids et la carrure éclipsaient le Titan. Dans sa main, il tenait sans aucune peine un couperet qui faisait à peu près la même taille qu’un humain moyen, peut-être même plus. Son corps était paré d’ossements décoratifs, telle une armure vivante qui ne faisait qu’un avec la bête.

Comme pour accepter le défi qui se tenait devant lui, Rezyl poussa un soupir.

La créature marchait lentement et maladroitement, comme un homme courbé sous le poids de péchés inavoués. Et pourtant, ses foulées semblaient lui permettre de parcourir une distance importante sans aucune peine.

L’horreur qui s’approchait évoquait pour Rezyl la silhouette d’un chevalier de l’antiquité qui serait tombé en disgrâce. Peut-être que cette créature avait un jour été un héros.

Et peut-être que dans cette pénombre, sous l’œil attentif de cette ignoble femme et de sa horde putréfiée, c’était toujours un héros, consacré à une cause bien plus sombre et plus sinistre.

Ceci intriguait Rezyl. Le combat qu’il était venu trouver de si loin, l’ennemi qu’il espérait n’être qu’une fausse légende, semblait impatient de le rencontrer.

Il sourit sous son casque, fit tournoyer sa Rose sur son doigt avec autant de confiance qu’un Chasseur, puis visa et fit claquer son marteau une fois de plus.

L’éclosion colérique illumina l’obscurité.

Six coups, vers le torse.

Soudain, un mur noir et chatoyant apparut et les balles de Rezyl vinrent s’y heurter. Comme si de rien n’était, le Chevalier avait invoqué une barrière protectrice.

Bien qu’incapable de comprendre les techniques obscures de la bête, fussent-elles de la magie noire, une technologie désinventée ou même un mélange des deux, Rezyl s’en fichait. Il rechargeait son arme et se tenait prêt à affronter l’inconnu.

Tandis que le bouclier immatériel s’estompait, la créature brandit sa lame et poussa un puissant rugissement inhumain : le cri de guerre de l’enfer incarné.

Rezyl accepta le défi.

Sa Rose bien tenue dans l’étau de sa poigne, le Titan se rua vers l’avant.

Il voulait affronter la furie de la pénombre de front.

Deux jours s’étaient écoulés depuis que Rezyl était sorti des sombres couloirs souterrains de la Lune et retrouvé la lumière du jour. Son Spectre n’arrêtait pas d’essayer de lui demander plus de détails. Il voulait tout savoir sur cette ignoble femme et sa promesse de souffrance.

Tout sur cette vague de mort sans âme et hurlante.

Tout sur l’énorme Chevalier et le combat épique de Rezyl.

Le Spectre était captivé mais aussi très inquiet. Si les monstres sous la Lune étaient actifs et conscients, il fallait absolument prévenir la Cité. Rezyl était d’accord.

Tandis qu’ils voyaient la Terre se lever depuis la paisible et solitaire surface lunaire et prévoyaient leur retour chez eux, Rezyl tira quelques fragments d’os du petit sac qu’il portait à sa hanche gauche. C’était un souvenir du mal qui se cachait dans la pénombre, et les derniers restes du promis de cette ignoble femme.

Et tandis qu’il racontait une fois de plus les événements du temps qu’il avait passé parmi les ombres, il sortit sa Rose de son étui et commença à greffer les os sur le cadre d’acier, comme un nouveau trophée pour fêter un autre combat remporté.



Ce ne fut que bien plus tard, bien trop tard, que les premiers murmures apparurent et que les os dévoilèrent leur véritable but, aussi tordu soit-il.

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Références