Foyer, partie 2

Légende 5 sur 13 de la série Les origines du Vagabond
 

« Monsieur. C’est terrible. »
– Un vagabond de l’Âge noir

Yu était âgée de neuf cycles et lui rendait souvent visite. Sa famille et elle vivaient à côté de chez Judson, et elle était parfois envoyée auprès de Germain quand leur voisin bruyant se faisait un peu trop belliqueux. C’était le cas aujourd’hui. Germain ne s’en offusquait pas.

« Judson pense que c’était une mauvaise idée de laisser les gens de fer rester avec nous », dit-elle. Elle faisait les cent pas sur la longueur de la cabane, enjambant précautionneusement le jeu de cartes que Germain avait étalé à même le sol en terre battue.

« Je sais, mais Judson dit des tas de choses et parfois il faut prendre une décision. As-tu vu la quantité de nourriture qu’ils nous ont donnée ? », répliqua Germain en posant une carte. Une lampe clignota à proximité, près de la plus grosse pile de boîtes de ration que la cabane ait jamais contenue.

« Judson sait se servir des armes. Je l’ai vu. Il peut peut-être… »

« Non, il ne peut pas. Ces choses au-dehors, on ne peut pas les tuer. Sors-toi cette idée de la tête tout de suite. »

Yu continua à faire les cent pas, fronçant légèrement les sourcils en réfléchissant à la question.

« Avoir plus de nourriture est une bonne chose, mais Judson pense qu’ils nous feront tuer. Je crois qu’il s’enfuira peut-être. », déclara-t-elle.

Il posa une nouvelle carte au sol. « Profite de ce que tu as. Tes parents ont sauté des repas pour que tu manges les tiens. La Relève a réglé ce problème. Du moins pendant quelque temps. Nous devons les laisser s’installer. »

Elle s’arrêta de marcher pour y réfléchir, puis leva les yeux vers le toit en tôle. « Je ne veux pas mourir. »

« Tu ne mourras pas, répliqua Germain. Pourquoi ne pas rentrer voir ce que font tes parents ? Je suis un peu fatigué. »

« D’accord », dit-elle en haussant les épaules avant de s’en aller.

Germain ouvrit une petite bouteille d’eau de la pile de rations et s’en servit un plein verre. Yu n’avait pas pu le remarquer dans la faible lueur vacillante de la lampe, mais les mains de Germain tremblaient.

**

La respiration de Judson libéra de la vapeur dans l’air nocturne alors qu’il refermait aussi silencieusement que possible le portail entourant la ville. Le moindre frisson pouvant faire trembler la chose branlante et réveiller la famille de Yu, il agrippa fermement la poignée en la remettant en place. Il se trouvait désormais sur le passage vers la Vallée d’Eaton.

Alors qu’il se retournait, il rencontra Germain.

« Je t’avais pas vu, frère », grogna Judson à voix basse, se retenant à peine de donner un coup de coude dans la gorge de son voisin. Il recula d’un pas. D’un seul.

« Où vas-tu à cette heure, frère ? », le questionna Germain.

« T’es idiot ou quoi ? Je m’en vais avant que ça chauffe. »

« Il faut faire confiance à ce seigneur Dryden. Il dit qu’il sait ce qu’il fait. », répliqua Germain.

Judson secoua la tête. « Toi et tous ceux qui sont pour cet accord allez faire tuer toute la ville. Ces gars sont pires que dans les histoires. »

« Tu sais ce que je pense de la Relève, mais ils nous ont sauvés cette semaine. »

Judson ricana. « Personne ne le croit jamais parce que la Relève ressemble à toi et moi, mais ils te tueront sans le vouloir. C’est aussi naturel que respirer pour eux. Ils peuvent pas s’en empêcher. »

« Ils cherchent à se débarrasser d’un homme, un seul. Nous devons aller au bout. Même la Relève peut maîtriser un combat de cette ampleur. »

« Tu te bouges ? Ou je dois le faire ? »

Germain fit un pas sur le côté. « Je ne représente pas la loi, mais qu’est-ce que tu vas faire ? Il y a que des terres en guerre partout. Et leur proie arrive. »

« Je suis un pisteur. J’ai nourri cette ville pendant des années avant que tu arrives. Je m’en sortirai. Et les autres membres de la Relève se moqueront bien d’un seul type qui passe. J’ai rien à cacher. Je veux juste m’en aller. Si tu veux jouer les appâts pour les morts en guerre, que ta vie soit belle. »

Germain gloussa. « Qu’est-ce qui te fait rire ? », ricana-t-il à nouveau à voix basse.

« Je sais pas comment tu fais. Je t’admire presque. »

« Comment ça ? »

« T’as peur de rien. Que ta vie soit belle, frère. On se reverra quand on se reverra. » Germain retourna au portail.

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Références