Entre les mains de bon nombre de désespérés.
L’Araignée observe le Vagabond, de la pointe des bottes au sommet du bandana.
« Ah. Mon meilleur… » L’Araignée prend une bouffée d’éther pour choisir un titre correspondant le mieux au Vagabond. « …rien. »
« Vous croyez que ça va le faire ? » Le Vagabond fait un signe de tête en direction du ciel et donne un coup de pied dans une bonbonne d’éther vide qui tombe de leur îlot flottant du Récif. Des traînées rouges incendiaires parsèment le ciel étoilé au-delà du vaste nuage d’astéroïdes et de poussière, et forment une nouvelle constellation alors que l’Esprit tutélaire lance de nouvelles armes.
« Il faudra un effort « tout-puissant ». Ah ah. » L’Araignée descend de son vaisseau de transport, seul. « Nous aurions pu nous rencontrer dans un endroit plus… protégé. »
« Vous n’aimez pas qu’on nous voie ensemble ? »
« L’Araignée est l’ami de tout le monde, mais tous mes amis ne sont pas amis entre eux. » L’Araignée concentre son attention sur le Vagabond. « Vous auriez dû venir me voir. »
« Vous traînez trop de cadavres. Ils peuvent vous poignarder dans le dos. »
« Partir en courant montre votre dos à tout le monde », rétorque l’Araignée d’une voix frémissante.
Le Vagabond fait une pause et observe le paysage désolé. De petits rochers flottent dans l’espace. Ils dérivent lentement les uns vers les autres, se percutent et rebondissent dans des directions aléatoires. Certains restent sur place, assimilés par consommation destructive. Le Vagabond prend un air renfrogné et se retourne vers l’Araignée. « Étirez-vous les jambes. Il n’y a personne à des kilomètres à la ronde. »
L’Araignée se déplie, prenant une si grande inspiration dans son respirateur qu’elle fait le vide à l’intérieur. Entièrement debout, il toise le Vagabond enveloppé par son ombre. « L’isolement… n’est pas la même chose que la protection, mon ami. »
« L’amitié va nous sauver de ce qui nous attend ? » demande le Vagabond. Il joint le bout de ses doigts et forme un triangle.
« Les chances ne sont pas en votre faveur, mais… » Un rire guttural se répercute sur le ventre de l’Araignée et envoie des vibrations dans la terre meuble sous ses pieds. « Je ne suis pas le plus indiqué pour le réconfort. »
« Je comprends. Vous avez essayé de fuir la dernière fois, mais ça a pas marché. Alors maintenant vous essayez de vous planquer. Laissez-moi vous donner un conseil : ça marche pas non plus. »
« Me planquer, » renchérit l’Araignée « Le plateau change, il se nettoie. Je ne joue pas, je fixe juste le prix des pièces. »
« Vous êtes sans pitié. Le monde touche à sa fin et vous cherchez à vous emparer de tout ce qui reste. »
« La fin n’est qu’une question de perspective. La dévastation est souvent… profitable », lâche-t-il après une nouvelle inspiration.
« Et s’il reste rien ? Peau et os ? »
« Il y a toujours de l’ivoire parmi les os. »
« N’importe quoi… »
L’Araignée lâche un seul « Ah ».
« Vous me rappelez mes compatriotes », explique l’Araignée en refermant ses doigts autour d’une petite motte de terre qui dérive à proximité. « Ils observaient le Tourbillon comme vous. Effrayés. » Il referme sa main, écrasant la motte pour former un petit tas dense. Celui-ci se fracture en plusieurs morceaux qui s’éloignent en flottant alors que l’Araignée rouvre la main. « Pourtant nous sommes toujours là, toujours vivants. »
« Ouais. Mais Déchus. »
« Déchus. Mais j’ai mes entrées chez les sorcières et les Kalls, ainsi que les agents de toutes sortes et formes. Mon réseau est vaste, et j’ai su me rendre utile. Que les rois s’écharpent. Je dirigerai ce qui reste. »
« Vous parlez des Gardiens ? Désolé de vous l’apprendre, mais ils valent pas grand-chose. »
« Ils sont malléables. Et encore plus… dans les situations désespérées. »
« Ouais. » Le Vagabond extrait de son sac à dos une petite boîte ornée de confection éveillée. « Qu’est-ce que vous allez faire de ça de toute façon ? »
L’Araignée fait un pas vers le Vagabond, réduisant à néant son espace personnel. « M’ouvrir des possibilités dans la toile, mon cher dévoyé. » Il prend la boîte de ses bras dominants et, avec les autres, lâche deux sacs de coques de Spectre dans les bras du Vagabond. »
« C’était l’enfer pour obtenir cette boîte. Elle donne accès à aucun trône », commente le Vagabond en serrant les mâchoires pour réprimer leurs tremblements.
L’Araignée laisse échapper un râle satisfait alors qu’un frisson le parcourt. « Non. Seulement une fenêtre en miroir. Un plaisir de faire affaire avec vous, mon ami. » L’imposant Déchu se retourne pour partir. « N’oubliez pas de… rester utile. »
« Quand vous les trouverez, vous êtes sûr que le passé vous rattrapera pas ? »
« Personne ne se préoccupe de l’Araignée. »
« Quelle chance… »