Désormais.
Nous nous tenions face à face en silence, le soleil au zénith.
Quelques secondes, qui me semblèrent interminables, s’écoulèrent. Il avait changé. Il paraissait plus léger, comme s’il n’avait aucun effort à fournir pour supporter une vie qui serait insoutenable pour quiconque serait accablé par sa conscience.
Mon regard restait fixé sur lui et je sentis une vague de chaleur s’emparer de moi. Il prit la parole.
« Ça fait un bail. »
Je ne répondis pas.
« L’épée du Pistolero… enfin, son pistolet… C’était un cadeau. »
Je restai silencieux alors que mon pouce caressait la gâchette qui était parfaitement accrochée à ma ceinture.
« C’était un cadeau pour toi… de ma part. »
La chaleur s’intensifiait. Elle se concentrait au niveau de mon thorax. J’avais eu l’impression d’être un lâche le jour où Jaren s’était éteint, et pendant de nombreuses phases lunaires après ça. Mais à ce moment précis, le feu de ma Lumière était la seule chose que je ressentais. L’autre tenta une nouvelle approche.
« Tu n’as rien à dire ? »
Il resta silencieux pour que ses mots fassent effet.
« Ça fait longtemps que je t’attends, et que j’attends ce jour. »
Ses tentatives pour faire la conversation semblaient triviales, en comparaison avec tout ce qui s’était passé jusqu’ici.
« Bien des fois, j’ai cru que tu avais échoué. Que tu avais renoncé… »
Je revis défiler devant mes yeux tout ce que j’avais perdu et tous ceux qui avaient souffert, entrecoupés par l’image d’une silhouette obscure qui marchait en direction d’un garçon faible, terrifié et lâche.
Le feu brûlait en moi.
L’inconnu reprit. « Mais tu es là. L’heure des dernières paroles est venue… »
Pendant que sa langue articulait ces syllabes, ma main se porta vers mon arme comme si elle était possédée de sa propre volonté. Mes réflexes et mon intention s’allièrent à ma colère, ma concentration, et ce besoin oppressant d’en finir, justement. Tout en bougeant, le feu qui brûlait en moi se concentra à travers mon épaule et jusqu’à ma main, alors que mes doigts se rapprochaient de la détente du pistolet de mon troisième père.
Deux tirs. Deux balles cernées d’un éclat colérique.
Il tomba.
Je marchai jusqu’à son corps. Il n’avait même pas levé son satané Chardon, le pistolet dentelé répugnant. Je regardai le corps de l’homme qui avait tant de fois semé la mort.
Ma Lumière embrasait toujours mon arme. La tristesse m’envahit. Je repensai au bon vieux temps. À Palamon. À Jaren.
Je remontai le canon de mon arme au niveau du casque de l’homme, et je rendis un dernier hommage à mon mentor, mon sauveur, mon père et mon ami.
« Les tiennes, pas les miennes. »
Et je resserrai ma prise pour que le pistolet de Jaren, le mien, puisse avoir le dernier mot.