DLXXVIII (578).
Chronique consignée par le scribe Tlazat
Après bien des jours d’un voyage ininterrompu, le Léviathan connut une grave défaillance. Votre serviteur préfère ne pas faire appel au langage métaphorique quand la véracité historique est en jeu, mais en ces circonstances inhabituelles, la chronique supportera l’utilisation d’images subjectives : c’était comme si le vaisseau avait été arraché au cosmos telle une baie par une main gargantuesque . Elle l’avait ensuite fait rouler entre le pouce et l’index, l’avait pressé afin d’en tester la maturité, puis, l’ayant trouvée suffisante, l’avait projetée dans une direction inconnue vers une gueule inconnaissable.
Les systèmes de navigation et d’alimentation en furent si sévèrement perturbés que les pilotes royaux s’avéraient incapables d’émettre la moindre hypothèse quant à leur dysfonctionnement et les réparations à mener. Le vaisseau fut plongé dans la confusion et les ténèbres les plus totales, et tous les passagers se regroupèrent autour de l’Empereur afin d’obtenir son aide et son amour.
Au lieu de cela, l’Empereur revêtit une combinaison de gel antipression et demanda à sortir seul du vaisseau. Calus déclara : « Je tiens à découvrir seul le lieu de mon bannissement. »
Il fut impossible de le faire changer d’avis.