Grains et boutures 2

Légende 2 sur 16 de la série Les origines de l’Émissaire
 

2.

Le jour où elle s’éveille sur le Défluent, elle se renomme Nasan Ar. Elle porte dans ses mains une petite urne en argent. Un coup en a enfoncé le couvercle et il est impossible de l’ouvrir. Elle n’en connaît pas la provenance, mais elle ressent un inexplicable sentiment de chagrin dans sa poitrine lorsqu’elle songe à s’en aller sans la prendre.

Elle établit son nouveau foyer sous le plus gros arbre qu’elle trouve. Dans les premiers jours, ce n’est guère plus qu’un appentis et un feu de camp, mais elle le partage de bonne grâce avec quiconque se trouve dans les parages. Ses invités l’aident à transformer l’appentis en véritable petite maison abritant plusieurs lits pour d’autres convives. La petite maison se découvre une voisine, puis une deuxième, jusqu’à ce qu’un village entier prenne forme.

Nasan adore ses invités et ses amis. Elle chérit sa communauté bohème… mais elle n’a jamais souhaité devenir mère ni maire. Chaque fois qu’ils se rassemblent tous pour souper, elle sent une anxiété claustrophobe s’emparer d’elle. Elle est enchaînée à cet endroit par tous ces gens qu’elle aime, et ne trouve pas les mots pour expliquer son agitation. Elle se sent monstrueuse. Pourquoi n’apprécie-t-elle pas sa situation ? Pourquoi ne veut-elle pas rester ?

Par une claire nuit baignée des odeurs mielleuses des fleurs printanières et de la pluie récente, elle prend son urne en argent et s’aventure dans l’obscurité enveloppante.

 

3.

Elle erre. Elle essaie divers styles de vie comme d’autres essaient des styles vestimentaires : pendant quelques semaines, elle est Corsaire. Puis pendant tout un été, elle est ouvrière agricole. Quand elle finit par se lasser, elle tient les comptes d’un marchand d’atomes spécialisé dans les matériaux radioactifs. Rien ne l’intéresse bien longtemps. Découvrant son urne en argent, un homme lui demande si elle est chasseuse de trésors. L’idée la conduit au plus profond d’une caverne souterraine où elle ne trouve aucun trésor, mais des vers bioluminescents et une Paladine qui se fait appeler Sjur Eido.

« Si vous cherchez un travail, je vous présenterai à ma patronne », déclare Sjur.

 

4.

Le jour où Nasan trouve sa vocation, la Diasyrme fait d’elle une interprète. Cela la déstabilise. Le Langage est le Langage. Certes des variations se sont développées au fil du temps, mais aucune n’est suffisamment différente pour que deux Éveillés pris à l’opposé du monde ne puissent pas se comprendre. « Que voulez-vous dire ? », la questionne Nasan.

« Eh bien, explique la Diasyrme, je vous observe depuis votre arrivée. Les gens se tournent vers vous en cas de dispute, et vous essayez de comprendre la position de chacun avant de proposer votre aide. Lorsque vous parlez, c’est avec adresse, sans condescendance », elle observe Nasan, « Il me semble que vous communiquez une certaine grâce à ceux à qui vous permettez de s’exprimer. »

Une petite lueur de fierté s’allume dans le cœur de Nasan. « Ce n’est qu’une simple médiation », répond-elle en détournant le regard.

« Ne sous-estimez pas vos capacités. Tout le monde peut mettre un terme à un conflit, mais peu de gens comprennent de manière si limpide l’essence d’une pensée et la reformulent de façon à ce que même ceux qui font la sourde oreille l’entendent. C’est un don qui peut faire cesser des guerres. » Réfléchissant à ses propres paroles, la Diasyrme déclare froidement : « Pour l’instant, nous allons devoir garder votre talent pour nous. Les Sanguins ne tarderaient pas à vous couper la langue. »

 

5.

La Guerre de la théodicée est une réalité de la vie quotidienne jusqu’à ce qu’elle ne le soit plus. Les tueries s’arrêtent, mais les blessures restent. Nasan aide les Éveillés à recoller les morceaux. Ses amis l’incitent à parler en public, à aider les gens à plus grande échelle, mais Nasan pense que les changements efficaces ne s’opèrent qu’au sein de groupes de moins de dix membres.

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Références