38.
Le jour où elle rencontre Wu Ming, elle se trouve sur Bamberga. Elle sort d’un laboratoire de Gensym. Elle vient de lire la transcription des dernières paroles de Namqi. Ses mains tremblent. Elle est prise de nausée. Il lui semble qu’elle peut se voir à la troisième personne, chancelant vers un endroit sûr pour s’asseoir et pleurer.
Wu Ming est semblable à un feu de camp dans les ténèbres, et elle s’approche de sa chaleur.
39.
Wu Ming veut tout savoir de ses histoires sur les Neuf. Il lui demande si elle les a rencontrés, s’ils peuvent accorder leur puissance à un homme, s’ils savent comment sortir de ce système solaire. Orin ne peut répondre à aucune de ses questions, mais elle ne peut pas retenir ses propres histoires. Elle en est malade. Elles s’échappent d’elle en un flot de bile compulsif, et lorsqu’elle se sent vidée, elle se parle seule. Elle évoque sa peine, son agitation, le fait qu’elle ne se sente véritablement en vie que dans les espaces vides entre les sauts, sa sensation d’être un serpent en mue perpétuelle dont la dernière itération inadéquate est prise au piège dans la gorge fantomatique de son ancien être.
Wu Ming en oublie ses questions ; il est inexorablement attiré par le puits gravitationnel de son honnêteté désespérée. Ses aveux à elle abaissent ses défenses à lui. Il parle de lui, de sa peur, de sa solitude, de son impression d’être à deux doigts de tomber dans les abysses, de sa profonde rancœur chaque fois qu’il est ramené à la vie. Il n’a jamais demandé à recevoir le don de la Lumière.
40.
Ils trouvent des excuses pour se revoir sans cesse. Chaque conversation est teintée de nouvelles vérités mises au jour. Chaque fois, ils pensent atteindre un soubassement qui les fera voler en morceaux. C’est aussi effrayant que fascinant.