Confessions : Entrée VIII

Légende 13 sur 18 de la série La constitution des Ombres de Calus
 

De l’esprit de Match, prêtre de la coupe. Sur le Léviathan, où mon temple se trouve désormais. 

Aujourd’hui, je remplis le gobelet Y d’éloges pour mon Empereur, Calus, souverain autrefois et à l’avenir, afin que mes ancêtres connaissent sa générosité.

Je lui ai tout avoué.

Il a choisi l’endroit de ses préparatifs pour la mort. Le Léviathan se dirige vers un système lointain, où le Voyageur attend. Ses Ombres sont déjà en chemin pour tuer Ghaul, ou mourir en essayant. Comment aurais-je pu le trahir, en ces temps d’extinction, en lui refusant le secret qu’il m’a demandé de lui révéler ?

Je l’ai rejoint alors qu’il se baignait dans sa piscine royale, car ses substituts sont évidemment aussi délicieusement voluptueux que son ancienne forme. J’ai abandonné mes vêtements, afin qu’il n’y ait pas plus de tabous entre nous qu’entre deux animaux, et je me suis assis à côté de lui, dans la lueur de son confort.

« Votre Majesté, ai-je commencé, je vous ai caché quelque chose. »

J’ai alors expliqué ma vénération pour mes ancêtres et la coupe sacrée qui contenait leurs esprits. J’ai avoué avoir fait passer ces croyances avant lui dans mon cœur. Il m’a écouté alors que je lui révélais comment les anciens dieux-pensées de mon peuple, les suzerains opérants qui avaient dominé notre préhistoire grâce à la seule pénétration mentale, avaient exterminé ma foi pour avoir osé voir une étincelle de divinité dans le commun des mortels.

« Match, a-t-il répondu, tu as commis un crime et je te ferai bientôt part de mon verdict. Mais tout d’abord, laisse-moi te demander ceci. Penses-tu que j’ai pris la bonne décision à propos de la Clipse ? »

« Non », ai-je admis.

« Parce que j’ai sacrifié tant de vies ? »

« Oui, votre Majesté. »

« Sachant qu’ils allaient bientôt mourir de toute manière et que tuer la plupart d’entre eux permettrait à un petit nombre de vivre dans le bonheur plutôt que dans la lutte… n’ai-je pas accompli le plus grand bien possible ? »

« Votre Majesté, il est possible que ma foi me fasse voir les souffrances partagées de la Clipse comme… plus justes que la survie de quelques chanceux. Si je faisais partie de la Clipse, j’aimerais bénéficier d’une chance équitable. Pas d’un jugement venu d’en haut. »

Il a hoché la tête en signe de compassion. « Je sais. J’ai tenté d’être juste par le passé, Match. Un empire d’excès pour tous les citoyens, quelle que soit leur classe ou leur espèce. Il est toujours bon pour un dirigeant d’élever le standard de vie de ses sujets. Mais si ce dirigeant obtient la preuve irréfutable que l’existence est un jeu à somme nulle ? Qu’il n’y a pas assez de temps ou d’énergie pour offrir à tous une vie juste ? Sachant cela, ne devrait-il pas privilégier un nombre plus restreint ? »

Je ne connaissais pas la réponse, et je le lui ai signalé.

« Ce n’est rien. Je ne demande aucune certitude. Il a alors changé de position, propageant des vagues dans la piscine. Pendant un long moment après le coup d’État, j’ai fixé l’infinité de l’univers… et je l’ai trouvé dénuée de sens. Dans un univers s’étendant à tout jamais, il y avait sans doute une infinité de Calus, fixant tous le même néant. Comment pouvais-je être un dieu si j’étais… générique ?

Mais depuis que j’ai vu ce qui approche, maintenant que je sais qu’il existe une limite au temps qui nous est accordé… eh bien, cela peut sembler cruel, Match, mais moins il y a de choses, plus je gagne en importance.  J’ai l’intention d’être la dernière chose positive dans ce monde. Je rassemblerai mes compagnons élus et je soulagerai au mieux leurs souffrances avant la fin.  Certains empereurs adopteraient toutes les formes possibles pour échapper à la mort, mais je ne suis pas de ceux-là. Je reste fidèle à moi-même. Et toi aussi, Match. »

Il m’a alors tapé dans le dos avec une grande délicatesse. « Ton seul crime, mon conseiller, c’est que tu m’as refusé la possibilité de t’offrir un présent. Viens. Montre-moi l’endroit que tu préfères et fais-moi savoir les dimensions que tu requiers. Je te bâtirai un temple afin que tu puisses vénérer sans crainte. Tout ce que je te demande, c’est de ne pas m’oublier dans tes prières. »

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Références