Mara fit une dernière tentative pour faire revenir son peuple dispersé. Elle avait espéré que l’assaut sur le Récif servirait à les convaincre de leurs responsabilités et qu’ils rentreraient réparer les dégâts qu’ils avaient causés. Cependant, cela ne se passa pas comme prévu, car même si ses techno-sorcières arrivaient à amplifier son lien avec son peuple grâce aux augmentations que Kelda avait développées, elle n’était pas la seule voix dans le maelstrom. Ses Éveillés possédaient des antennes sensibles, au sens figuré et métaphysique, mais ils ne pouvaient entendre son appel au milieu de la clameur. De plus, l’ingénieur des communications oubliait sans arrêt d’appeler Mara « Majesté » ou « Reine ».
« Bonne nouvelle, déclara Uldren avec le plaisir maussade qui était le sien à la suite d’une débâcle dont il était sorti vivant, Illyn et moi avons parcouru les journaux de communication des Déchus. Leur Baron n’a jamais transmis notre position à son Kall. Il voulait apparemment garder pour lui la totalité du trésor. Notre position n’est pas compromise. »
« Le Baron a peut-être implanté une balise à retardement, le prévint Mara, il ne faut jamais sous-estimer ces êtres. Ils ont vécu plus longtemps que nous dans le vide. »
« Je les admire déjà, confessa Uldren. Ils ont tant perdu. Mara, certains d’entre eux se démembrent au cours d’un rituel afin de prouver qu’ils ont assez de force pour faire repousser les membres manquants. Je dois te dire que même si nous sommes voués à décliner et disparaître, ces Déchus survivront sans doute plus longtemps que nous. »
Mara prit note du fait que son frère avait enfin reconnu qui était son véritable peuple.
Pour sa part, Sjur Eido errait hébétée, partagée entre la joie d’être encore en vie et la tristesse de ne plus connaître le moment où elle mourrait. « Avec vous, tout est possible, dit-elle à Mara, je suis en vie grâce à vous. » Lorsque Mara la vit placer une corde à son puissant arc, les branches enroulées derrière sa jambe et autour de son bras opposé, elle fut plus heureuse que jamais que Sjur ait survécu.
Au fil des mois, Mara nomma des Paladins pour superviser sa nouvelle armée, à l’instar d’Alis Li lors de la Guerre de la théodicée. Elle créa un ordre de talentueux écumeurs des étoiles, les Corsaires, afin qu’ils fouillent la ceinture d’astéroïde dans le plus grand secret et établissent des routes et des caches qui favoriseraient les déplacements secrets des vaisseaux éveillés.
Mais surtout, elle chargea son frère d’une mission qui occupait ses pensées. « Mon frère, lui dit-elle, je ne permettrai plus jamais à mon peuple de se diviser. Nous devons lui offrir plus qu’une simple glace protectrice et des cylindres d’habitation froids dans nos terriers de Vesta. Nous devons bâtir une culture, un lien qui nous lie. Nous devons ressentir fierté et émerveillement pour les mystères que nous sommes. Quel meilleur endroit pour qu’une culture fleurisse qu’une cité ?
« Si nous nous rassemblons en un seul endroit, prévint Uldren, nous deviendrons une cible. »
Mara avait envisagé cette possibilité et avait trouvé une réponse. « Pars et trouve une puissance inconnue de toutes les autres dans ce monde. Rapporte-la-moi et j’en ferai la pierre angulaire de ma nouvelle cité, où les Éveillés rêveront de ce qu’ils ont été et de tout ce qui est encore à venir. »
Uldren partit donc explorer les mondes, aussi vif qu’un fantôme bleuté. Il finit par revenir au Récif avec une créature plus petite que sa main, et dit : « Regarde, ma sœur, le mensonge qui se fait vérité. Voici un Ahamkara. »
Après avoir résisté à la première attaque déchue et s’être résignée à l’idée que certains Éveillés partis pour la Cité ne reviendraient pas, Mara commença à cimenter les fondations du Royaume éveillé du Récif, notamment par le biais de deux piliers : la mise en place d’une armée (pilier « militaire ») et la création de la Cité des Rêves (pilier « culturel »).