Télicité II

Légende 11 sur 11 de la série L'installation des Éveillés au Récif
 

C’est Mara qui établit un pacte avec ce jeune Ahamkara, qui prit le nom de Riven. C’est la volonté et l’objectif clair de Mara qui sauvèrent les Éveillés de ce qui fut plus tard connu sous le nom d’Anathème Anathématique1. Il y avait en Mara fort peu de différence entre la réalité factuelle et la réalité souhaitée. Elle faisait confiance à ses siècles passés les yeux rivés sur l’objectif et à la patiente efficacité avec laquelle la rivière de la méthode atteignait l’océan du but en serpentant. Bénis ceux qui, poussés par une individualité absolue, en deviennent altruistes. Peu appétissants sont ceux qui, dans la plus pure connaissance d’eux-mêmes, excluent la possibilité de l’aveuglement.

« Mara, demanda Uldren, le frère de la Reine, pourquoi ne m’autorises-tu pas à parler à l’Ahamkara ? »

« Ce secret m’appartient », répondit Mara. Elle savait que son frère n’avait fait qu’accroître le fossé entre celui qu’il était, son NUME, et celui qu’il aurait aimé être, son CAUST. « Pars dans le monde extérieur, car j’ai besoin que tu y sois. »

Lorsqu’elle eut parlé à Kelda Wadj et Esila, Sjur Eido se présenta devant sa Reine. Agenouillée, elle dit : « Votre Majesté, Kelda Wadj dit que vous êtes une déesse, car il n’y a aucune différence entre votre désir et la réalité. Cependant, je sais que vous désirez les choses avant qu’elles ne deviennent réelles. Esila affirme que vous possédez un secret dont vous n’avez pas informé votre frère, et qu’il ne doit jamais le savoir. Je pense que le secret est le suivant : vous êtes désormais une déesse car vous en deviendrez une un jour et une déesse est intemporelle. Votre frère n’est pas un dieu car il n’en deviendra jamais un. Dois-je vous vénérer ? »

« Sjur, lâcha Mara en tombant à genoux, étreignant le visage de son adorée entre ses mains tremblantes, Sjur, le jour où vous me vénérerez, vous ne pourrez plus m’aimer, car la vénération implique de renoncer à tout pouvoir, et je ne peux aimer ce qui n’a aucune prise sur moi. »

À peine avait-elle prononcé ses mots que l’Ahamkara s’enroula autour de son cou, bâilla et montra ses crocs. Il existait à présent une fissure entre ce qui était et ce qui était voulu.

« Je vois, répondit Sjur Eido, alors dans ce cas, vous n’êtes pas encore une déesse à mes yeux.»

Bien qu’avec le temps la connaissance de l’avenir qui attendait Mara les éloigna, ce fut un éloignement doux et heureux, comme un ami qui incitait un compagnon chéri à saisir une opportunité lointaine. Elles passaient dans la joie les journées qu’elles partageaient.

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Références