Mara demanda plus de dix fois à la Machine Oracle de lui montrer l’épée qui était la mort et la façon dont elle apparaîtrait. Plus de dix fois, la Machine Oracle lui montra une image de sa famille.
Tout d’abord, elle lui montrait Sjur Eido, riante et lumineuse, qui s’estomperait pour revenir plus tard.
Ensuite, elle lui montrait Uldren, son frère, qui explorait les décombres des mondes en ruines à la recherche de défis pour mettre à l’épreuve ses capacités.
Puis elle lui montrait son propre visage et s’attardait sur l’éclat secret de ses yeux.
Et enfin, laissant Mara gérer le dédain qu’elle éprouvait pour ses propres sentiments, et la rendant froide et distante envers tous ceux qui lui demandaient ce qui n’allait pas, elle lui montrait Osana, qui était restée en arrière1.
Mara s’attardait sur cette énigme. Une mère qui était restée en arrière, une sœur aux multiples secrets, un frère qui s’adonnait à la chasse et à l’exploration, et une femme qui était pure et sauvage. Elle comprit alors que la réponse se trouvait en elle, et que pour vaincre ce qui s’annonçait, elle devrait obtenir une parfaite compréhension de son être. L’isolement serait sa devise, car un système isolé est le plus simple de tous à comprendre.
Tout d’abord, Mara se rendit dans les jardins et planta une fleur pour sa mère qu’elle croyait encore vivante, bien qu’elle ait sans doute déjà oublié sa fille et son fils.
« Mère, déclara-t-elle, j’ai demandé à être votre sœur plutôt que votre fille2 et ce faisant, je vous ai refusé la chance de me dire votre secret, la vérité maternelle qui se dessine dans les espaces négatifs définis par les mensonges qu’une mère raconte à ses filles. Eh bien, voici tous mes secrets. Je vous aime. Je vous ai toujours aimée. Sans vous, je n’aurais rien été du tout. »
Ensuite, elle s’en alla parler à son frère, mais celui-ci était parti sur Mars3 et elle ne trouva qu’une chambre vide, des couteaux à demi aiguisés et des râteliers d’armes. Elle s’agenouilla de douleur et posa sa main sur le sol, à l’endroit où ses bottes avaient lissé la pierre dure de l’astéroïde. C’était à cela que ressemblait leur relation désormais, la poursuite des absences.
Enfin, Mara alla voir Sjur Eido. Sjur établissait une liste de tâches incroyablement stupides et mortelles à accrocher sur un tableau de contrats de Gardiens. « Je dois vous dire la vérité, déclara Mara. Posez-moi une question. »
« Si vous prenez n’importe quel entier positif, que vous le divisez par deux s’il est pair, mais que vous le triplez et lui ajoutez un s’il est impair, et que vous répétez le procédé à l’infini, atteindrez-vous toujours un à un moment donné ? », demanda Sjur Eido.
« Sjur, ma fidèle Ire, protesta Mara, je vous prie d’accorder un peu plus de crédit à ma franchise. Même si je suis sûre qu’Illyn pourrait résoudre ton problème mathématique. »
« D’accord, répondit Sjur qui l’observait avec curiosité. Alors voilà ma question. Qu’est-ce qui vous arrive ? Pourquoi agissez-vous de la sorte ? »
« Allons marcher ensemble, si vous le voulez bien. », proposa Mara.