Imposition I

Légende 9 sur 18 de la série La vie des Éveillés dans le Défluent
 

Dans les derniers jours, le pouvoir de la Reine avait décliné et le Défluent était dirigé par des érudits qui envoyaient leurs chevaliers dans des quêtes insensées pour prouver la consistance de la réalité. C’étaient les scribes de Gensym, qui prétendaient venir de Kelda Wadj, la maîtresse du grand tout, mais étaient en fait les descendants d’une bande de conteurs itinérants qui parcouraient les immenses clairières de sel dans un convoi d’hydroglisseurs hurlant. Voici leur éloge du monde :

Ses eaux sont douces et ne peuvent nullement être empoisonnées. L’humeur du climat est égale. De grands chats à larges pattes rôdent dans les clairières peu profondes, des flamants bleus brillants parcourent les étendues plates. L’air est épais et chaud, adapté au vol, et le vent a le goût de la forêt. Aucune aube n’a jamais été si glorieuse que celle qui se lève sur la clairière de sel, et aucun crépuscule n’a jamais mené des femmes au bord des larmes comme un coucher de soleil sur les Chriséiades. Les Corsaires font preuve de bravoure en haute mer, et là où ils dévient les transporteurs plutôt qu’eux-mêmes, ils offrent bruits et assistance à leur proie en proportion de la qualité de la traque. Les histoires de jeunes gens qui s’embarquent sur des vaisseaux de corsaires pour une vie d’aventure sont adorées de tous. Les fermes en terrasses des Andalayas sont aussi chéries pour leurs montagnes si majestueuses et à la radioactivité si dense qu’elles disparaissent année après année dans la croûte planétaire. Les fissionneurs sont les plus appréciés, car ils nous ont redonné le pouvoir sur un monde sans produits pétrochimiques. Puissent-ils pardonner les nombreuses histoires d’horreur que nous avons racontées en leur mémoire. Puissent-ils pardonner les histoires macabres du réacteur au plomb fondu, et les douze qui furent empalés au plafond par leurs tiges de contrôle, et le Noyau noir.

La Vérité sanguine nous assure que nous avons hérité de ce monde grâce à la compassion inconditionnelle de ces puissances, et que nous ne connaîtrons jamais plus la peur.

Cependant, les scribes se rappellent également de leur frustration face à Mara et Uldren, qui, parmi les 891, avaient été les seuls à voir la création de l’extérieur. Ceux-là erraient sur la terre, rassemblant les histoires d’augures et de prophéties, et tous les Eccaléistes qui restaient des temps anciens murmuraient que bientôt, le jour du jugement arriverait, et ce jour-là, les Éveillés devraient rembourser leur dette.

Devant la cour des scribes, une femme de taille stellaire et à la colère furieuse apparut, armée d’un arc qui ne pouvait être bandé que si elle l’enroulait autour de son corps et jouait de tout son poids dans le processus. « Je suis Sjur Eido, déclara la femme, et j’accuse Mara du meurtre ancien de ma dame la Diasyrme. À ma selle, j’ai une arme qui ne peut plus provoquer qu’une seule mort. Amenez-moi auprès de Mara, et je me chargerai de la causer. »

Les scribes se consultèrent et conclurent que cet horrible meurtre pourrait prévenir une nouvelle Guerre de la théodicée. Ils indiquèrent donc à Sjur Eido tout ce qui était à savoir pour traquer Mara.

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Références