Palingénésie III

Légende 2 sur 11 de la série L'installation des Éveillés au Récif
 

La première carcasse qu’ils colonisèrent était un tender d’habitat d’un kilomètre, dont les réacteurs brûlaient toujours et dans lequel la gravité était stable et équivalente à trois quarts de celle de la Terre. Mené par une IA réduite depuis longtemps aux sous-routines les plus élémentaires, le tender avait terminé sa mission finale consistant à ramener une comète du nuage de Oort dans la ceinture d’astéroïdes. 

Quand aucun ordre ne vint concernant la disposition de la comète, elle fut utilisée pour le jardinage. Sa surface était bombée et terreuse, et des miroirs liés, gardés tendus par la pression des photons, concentraient la lumière des étoiles en un rayonnement argenté, qui fournissaient suffisamment d’oxygène à la forêt. Cela aurait pu être une merveille de végétation et de glace ancienne, mais la surface avait récemment pris feu. Les flammes alimentées en oxygène tuèrent pratiquement tout, hormis les insectes et les rats. Mais Mara pensa que ce serait un bon endroit à s’occuper. Les rats étaient la première forme de vie intelligente qu’ils découvraient depuis leur retour, et les insectes étaient comestibles.

Les Coques n’avaient pas survécu aussi bien que leurs passagers à la sortie de l’horizon. Le trou de ver de la microsingularité, dont l’ouverture avait été forcée par un pic soudain d’énergie, avait étiré les alliages et les armures de céramiques comme des bonbons au caramel. Les missiles avaient mutilé cinq Coques. De plus, la traversée du seuil cauchemardesque entre les mondes avait dévasté les IA et les systèmes de logique embarqués.

Il était temps d’abandonner leurs cocons. L’analyse d’Uldren avait localisé un récif de vaisseaux abandonnés, apparemment rassemblés grâce à la Ceinture d’astéroïdes. Les scribes de Gensym qui avaient rejoint Mara dans son voyage cataloguaient avec insouciance les marqueurs culturels et les écritures ancestrales.

« Nous récupérerons tout ce qui est possible des Coques, expliqua Mara à Sjur Eido. Sortez les matières premières et les systèmes que nous pouvons encore utiliser, et reconnectez les biosystèmes de ces carcasses. Une fois que nous aurons une gravité fiable, nous pourrons avoir des enfants. »

« Nous aurons besoin d’armes, répondit joyeusement Sjur. Nous n’avons pas assez de produits chimiques de rechange pour des armes à feu pour le moment, et les technologies malveillantes que nous avons emportées avec nous feraient un trou dans la carcasse. Et les outils lanceurs de lignes, les appareils pour lancer des satellites de la surface des astéroïdes, les carcasses, etc. Vous savez à quoi je pense ? »

« Je ne peux pas dire que je peux l’imaginer », répondit Mara d’un ton sarcastique. Elle a imaginé Sjur Eido en train de bander son arc aussi grand qu’elle, et a abandonné l’idée comme s’il s’agissait d’un simple tour de passe-passe : s’attarder sur de telles plaisanteries ne ferait pas l’affaire. « Est-ce que cela implique le tir à l’arc ? »

« De grands arcs composites avec toutes sortes de bidules tactiques. » Sjur fait les cent pas, perdue dans ses pensées réjouissantes. « Je serai la première femme de l’univers à placer un satellite de communication en orbite héliocentrique à l’aide d’un arc long. »

« C’est absurde », conclut Mara, et à la vue du sourire enchanté de Sjur, en pensant à la possibilité d’explorer et de reconstruire la totalité du récif avec elle, et même en pensant à la possibilité électrisante de mener Sjur vers la violence et le danger, Mara ressentit un fourmillement de chaleur et de joie inquiétant.

« Bon, coupa Sjur qui voulait profiter de ce moment de faiblesse pour obtenir ce qu’elle voulait. Quand direz-vous à tout le monde ce qui est arrivé à la Terre ? »

Au départ, ils avaient pensé que la Terre n’était plus qu’un monde en ruine, mais des indices tendaient à prouver le contraire. Au moins, elle n’était pas devenue un corps dévoré par les machines comme Mercure. « Lorsque Uldren sera de retour de sa mission de déploiement de drones. » Elle plissa les yeux. « Sjur, pouvez-vous entendre ce que je pense ? »

« Comment ? Par télépathie ? » La garde du corps de la Reine ferma les yeux. « Tout le monde est un peu effrayé, mais je ne suis pas sûre que cela s’étende à la transmission… Mara ! Bon sang ! »

  ◄ Légende préc.Légende suiv. ►

 

 

Références