J’ai vu le visiteur sombre pendant que je méditais. Cette fois, j’ai compris son objectif. Il vient de moi. C’est le messager du doute.
Cette lutte territoriale insignifiante avec Clovis Bray – à un moment où nous devrions être unis vers un même but et une même méthode – à un moment où une grande partie de l’avenir de l’humanité pourrait dépendre de ce que nous faisons ici – m’a changé.
Soit je n’ai jamais compris les leçons de mon maître, soit elles ne suffisent pas. Peut-être que les vrais illuminés échappent à la réincarnation et accèdent à la transcendance – mais qu’en est-il de ceux qui sont laissés derrière ? Comment atteindront-ils l’illumination, si tous les illuminés ont abandonné le monde aux mains des égoïstes, des stupides, des court-termistes ? Le mal n’est pas seulement l’acte mauvais ; c’est aussi la création de circonstances qui permettent et favorisent le mal.
Il faut faire des concessions au pragmatisme. Il faut préférer l’innocent au malveillant. Comment pourrais-je coopérer avec Clovis Bray tandis que cette coopération leur permet d’exploiter et de privatiser notre vital travail ? Qui sait le nombre de secrets que l’humanité mérite de connaître ils cachent ?
Si je pousse cette logique à l’extrême, je commence à douter de ma foi en la bonté intrinsèque de l’univers. La coopération et la collaboration sont les meilleures stratégies dans le dilemme itératif du prisonnier, mais seulement jusqu’à ce que quelqu’un fasse défaut. Dans ce cas, il est préférable de procéder selon le principe des représailles.
Le dilemme du prisonnier est une expérience réalisée pour étudier la psychologie en société.
Dans l’expérience standard, deux prisonniers isolés l’un de l’autre se voient proposer deux solutions : se taire ou dénoncer l’autre prisonnier.
Prisonnier 2 : se tait | Prisonnier 2 : dénonce | |
Prisonnier 1 : se tait | N°1 et N°2 prennent 6 mois | N°1 prend 10 ans ; N°2 est libre |
Prisonnier 1 : dénonce | N°1 est libre ; N°2 prend 10 ans | N°1 et N°2 prennent 5 ans |
La stratégie optimale (afin de servir la peine la plus courte) pour les deux prisonniers est de se taire et d’avoir confiance en l’autre. Mais en l’absence de communication, la pression et la peur d’être le dindon de la farce (être le seul à se taire et subir une peine maximale) met les prisonniers face à un dilemme, et pousse à privilégier son intérêt personnel par rapport à l’intérêt général.
Alors qu’avec l’expérience standard le choix n’est proposé qu’une seule fois aux prisonniers, l’expérience « itérée » qui est mentionnée ici donne le choix plusieurs fois aux prisonniers. Ils sont mis au courant du choix de l’autre prisonnier au tour précédent et peuvent modifier leur comportement.
Les études ont montré que ceux qui adoptent une stratégie « personnelle » sont perdants au long terme, tandis que les plus altruistes y gagnent. Mais elles montrent également que le meilleur choix est la stratégie « œil pour œil », aussi appelée stratégie des « représailles », qui consiste à répéter le choix de l’autre, et ne trahir que si l’autre prisonnier trahit.
A la fin de cette légende, Kuang se sent trahie.