Nouveau but

Légende 9 sur 16 de la série Le règne de Calus
 

Je vous vois orné de taches de sang, tels des pétales de rose. Je vois votre victoire, et la Lumière vous recouvrir. Je vous vois.

Totalement absorbée par ce qui se passait dans l’arène, Caiatl oublia le chiddik qu’elle tenait entre ses mains. Son jeune corps imitait la scène d’action se déroulant sous ses yeux. L’accessoire vivant cria puis sauta sur le dallage. Invertébré ou non, il n’appréciait guère qu’on lui torde le cou.

« Doucement, petite », réprimanda son père d’une voix avinée. « Il a fallu en élever des chiddiks pendant des centaines de générations pour en obtenir un qui soit assorti à ta tunique. Ramasse-le ».

« Je suis obligée ? Il est toujours en train de me gêner. »

« Les bêtes et les princesses ont chacune leur rôle à jouer. Quand cette tunique sera devenue trop petite pour toi, tu pourras faire ce que tu veux de lui. Comme le manger, par exemple. Ils sont succulents cuits dans le vin, avec des herbes amères. Mais pour l’instant… »

« Oui, père », récita-t-elle, mais son regard était déjà revenu sur le sable écarlate de l’arène. Ghaul leva devant lui la tête qu’il venait de dévisser, littéralement, du corps de son adversaire, pour la présenter à la loge impériale. Tout le corps du guerrier tremblait de passion et de triomphe.

« Tes prouesses nous ravissent, gladiateur. Calus se leva. Tu nous rejoindras ce soir pour le dîner. »

Elle réalisa à cet instant que Ghaul ne porterait pas un stupide chiddik pour le dîner. Il n’avait pas besoin de cet accessoire fragile, ni de son odeur ou de ses gazouillis, pour mettre son statut en valeur. Il n’avait jamais eu besoin d’apprendre tous les gestes subtils nécessaires pour appeler un serviteur qui viendrait nettoyer l’urine de l’animal sans se faire remarquer. Ses mains avaient appris à diriger les lames, pas les domestiques.

Pleine de haine, Caiatl récupéra l’animal tremblant. Elle lui serra la bouche pour la maintenir fermée pendant un long moment. La créature paniquée lutta pour reprendre son souffle, mais Caiatl finit par relâcher sa prise. Cet animal n’était pas responsable de son inutilité dans ce monde, pas plus que la princesse ne l’était de son propre statut.

Contrairement au chiddik, elle pouvait décider de sa raison de vivre.

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Références