L’inondation d’Hashladûn
Hurlez pour moi, Ô Esclaves ! Que les Chevaliers frappent leurs genoux de leurs armes et abîment leurs armures, que les Prêtresses clament mon nom dans la langue qui fragmente, que mon nom surgisse de vous comme une démangeaison se manifeste sur la peau !
Je suis Hashladûn, héritière de Cropta. Du jour où je suis sortie de l’œuf, j’ai possédé une grande force. Ma crête était imposante et mes bras épais. J’étais une Esclave pouvant rivaliser avec les Chevaliers. J’étais immense, comme la tempête des Fondements, ou la peine des endeuillés.
Voyant cela, mon père déclara : « Que celle-ci soit inondée à la manière antique des déluges. Que sa grandeur soit réduite à l’état pur, car elle connaît un excès, et cet excès est la capacité à être rigoureusement purifiée. »
Mais je ne me laissais pas emporter par le lit majeur. J’avais peur et j’affrontais des centaines d’Esclaves et des dizaines de Chevaliers. Je ne fus pas vaincue. Je luttais contre un Ogre et m’éreintais. Ce n’est qu’à ce moment que mon père, le dévoreur d’espoir, qui brûla avec le Melamu de second rang, qui piétina les enfers tels des sabots la terre, descendit de son trône et s’exprima : « M’aimes-tu donc tant que tu défies mon décret et remets en doute la véracité de ma volonté ? Voilà encore un aspect où brille ta grandeur. »
Alors il m’emmena dans les profondeurs entre les mondes, où je fus empalée par six fois au lit majeur. Les eaux s’élevèrent au-dessus de moi et je fus inondée.
Cinq fois, je fus inondée. La première inondation fut d’hydrogène ensanglanté, qui s’apparente à de l’acide. La deuxième fut de feu. La troisième fut de lumière, qui s’apparente à la lumière d’un atome fendu. La quatrième fut secrète et secoua mes os. La cinquième fut de paroles, et elle blessa les jointures entre chair et ver.
Je fus récurée et brûlée, puis brûlée à nouveau par le feu doux. Je fus mise à l’épreuve sur le chevalet du temps. Ma chair fut dissoute, elle craquela et se fendit. Elle se changea en cendres noires qui pelèrent et s’envolèrent. Toute la douleur que j’avais ressentie jusqu’alors n’était rien comparée à celle-ci.
Puis je fus laissée là, à attendre la mort.
Mais je me libérai de mes six empalements et je rampai jusqu’au monde extérieur, décharnée, blessée, privée de 80 % de mon ancien corps. Je tuai la première chose que je vis et la mangeai entière.
Voyant mon être réduit apparaître devant son trône, mon père déclara : « Te voilà dans toute ta grandeur, mais tu ne peux m’aimer. Car les parties de toi qui étaient miennes t’ont été ôtées, et celles qui te restent sont à lui. »
Je vis au-dessus de lui le Melamu, la lumière de dieu, et acquiesçai, car je savais d’où provenait cette lumière, je la savais être d’Oryx, de taille et d’estoc.
Et Cropta hurla de joie et de douleur, ouvrit les cieux et me renvoya, perdue à jamais pour lui dans le triomphe, ne pouvant plus revenir à sa cour.