XI.X : Apocryphe

Légende 24 sur 25 de la série Les errements de la Nuée
 

POUR FORGER UNE ENCLUME

TEL AU-DESSUS…

Le chaos surgit de la Fosse.

Les marionnettistes qui se sont faits seuls hurlent et frémissent tandis qu’Akrazul, revêtu de la peau, de la chair et de la grâce d’Azavath, monte pour les accueillir.

Les Filles tentent de fuir avant que le clergé assemblé ne puisse leur barrer la route.

Alors qu’elles se détournent, une voix se fait entendre dans l’esprit de Besurith.

 

« Tout comme les enfants du Jardinier, ceux qui sont rassemblés non loin de toi sont ton antithèse.

« Ils veulent que l’on te chasse.

« Ils veulent que l’on te flagelle.

« Si le moment devait en venir, ils transformeraient ta lignée en cendres, mettraient fin au sang de Cropta et modèleraient la Nuée à leur image faible et fourbe.

« À moins que les Filles du briseur de monde ne prouvent qu’elles sont plus que des héritières trop couvées…

« À moins que les Filles du briseur de monde ne veuillent détruire le cancer en leur sein…

« Le massacre est annoncé.

« Beaucoup mourront de la main de la Sirène enragée.

« Beaucoup, peut-être la plupart.

« Si tu oses.

« Si tu veux glaner ton propre avenir parmi ces moments rares et précieux quand l’occasion en sera offerte par les actions d’un autre. »

Besurith se tourne vers ses sœurs tourmentées, et les quatre tranchent de leurs lames la gorge de ceux qui se sont opposés à leur légitime revendication du trône vacant de leur père.

 

—-

TEL AU-DESSOUS…

Akrazul s’est perdu dans son nouvel être.

Mais là, tandis que sa sœur Malkanth flotte vers lui, la confusion s’empare de lui.

Sa sœur est morte.

De sa propre main. Sa nouvelle main.

Avec ses nouveaux yeux, il la détaille : l’élégance de sa robe, la blessure que sa lame a laissée dans sa poitrine… Mais il s’attarde sur son regard.

Il y voit une affection très au-delà de ce que Malkanth a jamais montré.

Puis, les voix assourdies reviennent, se propageant jusqu’aux extrémités de son être…

« Regarde-la pour ce qu’elle est vraiment.

« Ta quête de massacre était égoïste.

« Pourtant, elle te pardonne.

« Elle te demande seulement de lui retourner le compliment. »

Une berceuse frappe l’oreille d’Akrazul qui est désormais Azavath.

Elle brise son essence et une larme brille au coin de son œil.

Déchaîner sa fureur lui a fait du bien, mais maintenant qu’il se tient sur la pile de ses adversaires démembrés, il n’éprouve que soulagement et amour… puis il n’est plus là.

 

—-

TEL AU-DESSOUS…

Sa défaite fut prompte et douloureuse.

Zulmak, le conquérant, était sûr qu’il triompherait et qu’il serait couronné prince de la Nuée ; bien qu’il n’eût pas de sang royal, le titre pouvait lui revenir.

Mais Azavath avait surpris tout le monde avec la force de sa véritable nature.

Alors que les lames jumelles de la Sirène massacrent tous ceux qui osent pénétrer dans la Fosse, les cris de la congrégation rebondissent contre les parois sombres des falaises, comme si la pierre applaudissait la violence du carnage.

Les corps s’empilent les uns sur les autres, puis vient un appel que seul Zulmak peut entendre…

« Voici ta fin, champion.

« Mais il peut en être autrement.

« Abandonne-toi à moi et je m’assurerai que tu reviennes à la vie. »

Zulmak hurle, rétif.

« Je pourrais te prendre de force et te mettre en pièces pendant des siècles dans de sombres lieux où chaque seconde est une éternité et où l’éternité est un enfer qui renaît à chaque cri.

« Mais je préférerais te voir t’élever une fois de plus.

« Abandonne-toi et sois libre.

« Abandonne-toi et transforme-toi, que ta rage dépasse même celle de l’étrange sorcière qui t’a lacéré.

« Abandonne-toi et deviens vraiment une arme puissante capable d’éteindre la Lumière. »

Le cri de Zulmak meurt dans son corps brisé et, si quelqu’un observait, il verrait un léger tremblement de lumière tandis que l’essence du quasi-champion est arrachée à ce plan et bascule dans un autre.

 

—-

TEL AU-DESSUS…

Les Filles ont fait leurs coupures et tentent de s’échapper lorsque Hashladûn ressent l’envie de contempler une nouvelle fois la Fosse.

« Apprenez tout ce que vous pouvez apprendre des cauchemars… »

Un murmure parvint à son oreille.

« Sont-ils puissance ?

« Ou sont-ils malédiction ?

« Trouvez vos ancêtres parmi ces formes éthérées.

« Car, s’il m’est possible de vous dire que cette voie conduit à la déception, vous devez voir par vous-mêmes.

« Tel est le besoin des filles déterminées à impressionner leurs pères.

« Mais ne succombe pas au désespoir en découvrant que Cropta et Oryx sont bel et bien morts, mon pauvre enfant égaré.

« Car une vérité en cache une autre…

« Il est temps pour toi et les tiens de voler de vos propres ailes.

« La Nuée — la Ruche — ne requiert ni prince ni roi.

« Elle requiert de la force. Soyez cette force.

«  Érigez la Flèche écarlate .

« Signalez votre venue.

« Défiez la Lumière.

« Et pour le jour où les « héros » viendront condamner la proclamation de votre souveraineté et de votre conquête, je vous offre ce présent : l’essence de votre champion déchu.

« Je sais que tu t’interroges sur mes motivations, mais nous sommes sœurs et liées par le sang.

« Et ce cadeau sera suivi de bien d’autres…

« Utilisez-le ; donnez naissance à un ravageur afin qu’il protège tout ce que vous espérez bâtir. »

 

« Qu’en est-il de la sorcière sournoise sous nos pieds ? Les jeux pervers de sa fratrie nous ont coûté très cher. »

 

« Cette sorcière, sous toutes ses formes, est la sainte patronne de vos deux cadeaux.

« Ses actions ont libéré le redoutable Zulmak pour qu’il puisse être recréé et assujetti à votre volonté. »

 

« Et quelle est la seconde offrande ? »

 

« Le Chœur du Chant funèbre naîtra des échecs de la Fosse.

« Des échecs rendus possibles par les ambitions de la fratrie.

« Des ambitions qui vous ont fait bénéficier d’un champion et du Chœur.

« Accomplissez avec eux tout ce que vos pères n’ont pas réussi à accomplir. »

 

Puis tout devint silence.

 

—-

TEL AU-DELÀ…

Quelque part, dans un royaume que recouvrent les ombres, la Reine des Murmures sourit en réfléchissant à la mort.

Elle a offert à la Nuée une arme aussi belle que parfaite et un puissant champion ; les moyens de laisser derrière eux leur pathétique attachement à une logique de l’épée qui les dépasse.

Les Filles considéreront ces présents comme une bénédiction ; une marée montante qui portera la Nuée pour qu’elle aille défier la Lumière.

Mais  un dessein plus important est à l’œuvre .

La lignée d’Oryx s’est éteinte…

 Les conquérants lumineux reviendront une fois de plus ; eux, les semeurs de mort. Et le dernier souffle de l’héritage d’un roi mort sera l’enclume sur laquelle une nouvelle épée sera martelée, renforcée et forgée pour les guerres à venir  ; l’extension la plus pure du but de la logique.

Commentaire

Savathûn est donc celle qui a encouragé les Filles (Ashladûn, Besurich, Kinox et Voshyr) à ériger le Bastion écarlate pour défier les Gardiens, et leur a offert l’essence de Zulmak et la sirène Ir Airam pour les y aider. La sorcière savait toutefois que les Gardiens vaincraient : toute la manipulation de la Nuée n’avait que pour objectif de préparer l’avenir de son combat, la mise en place de sa logique.

  • Malkanth = Ø
  • Azavath = Ir Airâm, Sirène de la Mort
  • Akrazul = Ø
  • Zulmak = essence du champion offerte aux Filles
  ◄ Légende préc.Légende suiv. ►

 

 

Références