XI : L’antilogique

Légende 23 sur 25 de la série Les errements de la Nuée
 

TEL AU-DESSUS…

La Reine du massacre des fosses de combat apparaît au premier balcon, le poitrail bombé, les yeux plissés par la concentration, baptisée par la boue collante de la poussière d’os épaissie par le sang.

La congrégation ne sait quoi penser d’une telle apparition. La peur s’empare des courtisans lâches de la nécropole.

Tous reconnaissent Azavath, mais ce n’est pas une guerrière, et son Chant, bien que mortel, est loin d’avoir la hauteur parfaite de celui des autres membres du Chœur brisé.

Dans chaque main, Azavath serre de lourds fendoirs, tous deux alourdis par les restes de ses victimes. Au-dessous, un millier de cadavres sont éparpillés.

Le courageux Zulmak, qui était à deux doigts de prouver la logique, est ouvert en deux, les membres retirés, une cavité béante à la place du cœur.

La congrégation demande à Azavath de s’expliquer. Elle n’est pas une guerrière, pourtant elle combat comme une conquérante. Elle n’a formulé aucune revendication, pourtant elle a massacré un champion. La logique était pratiquement accomplie. Qu’est-ce qui lui donne le droit de… ?

L’érudit malveillant qui tance la Sirène est découpé en deux alors même que l’un des fendoirs d’Azavath le tranche comme s’il n’était composé que d’air.

La congrégation panique à mesure que la rage d’Azavath est libérée en leur sein.

Ce ne sont pas des combattants.

Ce sont des complotistes, des manipulateurs et des lâches.

Ils représentent tout ce qu’Akrazul déteste.

Sa nouvelle chair, son nouvel os, lui permet de manifester sa haine avec une agressivité rapide et impitoyable. Il remercie sa sœur, persuadé qu’elle serait fière du sang qu’il verse. Elle s’est offerte afin qu’il puisse à nouveau se battre pour ce en quoi ils croyaient. Sur le plus haut perchoir au-dessus de la fosse maculée, alors que les faux conseillers d’un roi inexistant s’agitent et s’effondrent, il tue pour elle, en elle, étant elle. Tour après tour, lâche après lâche, les corps des vrais indignes souillent leurs temples de sang. Des cris se répandent. Akrazul et Azavath ne font qu’un, et dans cette union, il n’est plus le même. Akrazul n’est plus, seule sa colère demeure.

Il pense que le massacre des marionnettistes ne faisait pas partie du plan de Malkanth. Elle sera sans doute en colère, mais elle n’a plus aucune importance. Seule la vengeance compte. Seule la fin de tous ceux qui ont déçu la Nuée satisfera sa soif de carnage.

Au cœur de la congrégation, les Filles de Cropta commencent à s’enfuir, mais Besurith se retourne vers ses sœurs, leur demandant de réfléchir un instant. Telles quatre lames sur le sentier de la guerre d’Azavath, elles profitent du chaos pour couvrir leurs propres péchés. Tirant des dagues de leurs capes, Hashladûn, Besurith, Kinox et Voshyr assassinent ceux qu’elles pensent être une menace pour leur plan. Azavath portera la responsabilité du massacre, et même si elles sont découvertes, il ne restera plus personne pour leur tenir tête.

TEL AU-DESSOUS…

Une voix s’élève de la Fosse.

Azavath arrête son massacre.

La voix est familière, et pourtant étrange.

Au-dessous, Malkanth survole les corps démembrés qui recouvrent le sol.

Les yeux d’Azavath se posent sur ses futures victimes, puis reviennent sur sa sœur.

Malkanth l’appelle à nouveau.

« Mon frère… j’ai besoin de toi. »

Azavath quitte le haut perchoir rouge tandis que quelques membres restants de la congrégation fuient, menés par les Filles feignant la détresse.

Dans la Fosse, Azavath regarde Malkanth avec attention. La Sirène de la Mort silencieuse est désorientée, incertaine. Malkanth flotte à proximité, une plaie béante en son centre. Elle murmure dans l’oreille de sa sœur…

« Notre chemin est imparfait. Ta rage est un fardeau. Laisse-moi te l’ôter… »

Malkanth entame un chant familier à une hauteur inaccoutumée et les yeux d’Azavath s’ouvrent en grand à mesure qu’elle le reconnaît. Elle tente de parler, mais en est incapable, sa voix ayant été coupée par sa déconstruction.

Le chant se poursuit et Azavath saigne des yeux, du nez et des oreilles. Ses os se brisent et sa chair se boursoufle jusqu’à se déchirer. Malkanth sourit une fois de plus. Le plan de la Mystificatrice n’aboutit pas, mais le retardement de la logique de l’épée est une victoire en soi.

Hashladûn regarde dans la Fosse alors que les derniers membres de la congrégation s’enfuient. Zulmak est vaincu, le nouveau champion est brisé. Personne ne peut réclamer le prix de la logique. Le plan des Filles pour faire recouvrer la gloire à leur père n’est plus menacé.

Et ainsi qu’il en était avant que tout ne commence, il ne reste plus que faillite de la logique de l’épée et promesse inconnue de cauchemars.

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Références